Ennis- ïle proche de Sarman – Mars 1901Mer mon amie…Le vent caressa sa paume comme les doigts d’une femme alors qu’il tendait les bras vers l’infini et l’embrun vint se mêler à ses larmes qui disparaissaient dans les broussailles de sa barbe. Les larmes d’un homme qui accordait enfin son adieu. Dans son dos, brûlait un feu énorme et léchés par les flammes on pouvait voir les restes d’une vie à deux. Le feu crépitait avec férocité mais c’était le calme qui habitait la carcasse du géant blond. Ses doigts de pied profondément enfoncés dans le sable froid avalé par le ressac timide des vagues venant s’échouer sur la berge, il gardait son regard fixe sur l’horizon ou traînait encore paresseusement les derniers rayons du jour. Rafaël n’allait jamais au temple parce qu'il préférait s'adresser directement aux dieux nordiques.
Mer mon amie… Je te la confie…Le cri de l’homme, et sa douleur, se perdit sous le mugissement des vagues. Doux et envoûtant, elle semblait lui répondre qu’elle prendrait soin de son don. De cette fin de lui.
Ennis- ïle proche de Sarman – Août 1885« Je ne te comprends pas. » A bout d’arguments et de souffle Despera s’était laissé tomber sur le lit de leur chambre, le regardant rassembler ses affaires sans savoir quoi faire pour le retenir. Ils étaient mariés depuis quelques mois à peine, et ils avaient ce projet fou de rebâtir la vieille auberge pour en faire leur commerce. Mais il y avait un vent plus sournois et obscur qui poussait le jeune homme loin de l’île, comme si être un homme ne signifiait pas assurer la subsistance de sa famille et se contenter de bonheurs simples. Un jour, Rafaël verrait les choses différemment, mais il lui faudrait passer par la plus improbable des douleurs pour le découvrir.
« Pourquoi est-ce que tu cherches tant à me contredire femme ? » L’accent de Rafaël était devenu plus âpre, signe qu’il commençait à perdre patience. Il tournait le dos à Despera pour ne pas affronter sa mine déçue et rester fort. Il avait tout juste 20 ans et il était mort de trouille à l’idée de ce qui l’attendait loin d’ici. Mais on lui avait compté tellement de choses extraordinaires sur la vie de soldat qu’il voulait les vérifier par lui-même. Il voulait connaître ses autres pays, ces gens qui se perçait le nombril d’or ou se peignait la peau. Il avait l’appétit d’un jeune aventurier connaissant par cœur son chez lui. Il fallait qu’il voit.
« Tu oublies notre projet ? » Elle plaida en faveur de leur rêve commun, se disant qu’il devait bien y avoir quelque chose de significatif qui l’attachait ici. Les épaules du nordique se raidirent et il se tourna enfin vers sa femme. S’il avait envie de pleurer, il le dissimulait à merveille.
« Je reviendrais entre deux missions… Ca me laissera le temps de réparer ce qui doit l’être. Toi en attendant tu prendras soin des clients et de notre potager. Il y a déjà deux chambres de prêtes. Ca te permettra de te faire un peu d’argent quand un bateau passe par là. Et puis il y aura les repas que tu pourras vendre… »« Mais tu ne seras pas là… » Et elle avait raison. Rafaël devait passer l’autre moitié de sa vie à arpenter le globe, devenant peu à peu un guerrier avide mais seulement de retourner chez lui. Il ne vit aucune des splendeurs auxquelles il s’attendait, seulement une succession de champs de bataille auquel son nom resterait tristement attaché.
« Quelques mois dans l’année seulement. Le reste du temps je serais là pour veiller sur toi. »« Et notre fils… » Souffla-t-elle, posant une main sur son ventre à peine rond.
« Viens… » Dit-elle en prenant sa main pour l’attirer contre elle. Un fils qui ne verrait jamais le jour. Chaque fois Rafaël quitterait Ennis avec l’espoir que sa femme porterait son enfant, chaque fois il reviendrait pour constater que son ventre n’avait pu donner la vie. Longtemps après il s’était dit que c’était une punition divine et il avait cessé de croire en l’idée même d’avoir une famille.
Ennis- ïle proche de Sarman – Mars 1900
« Je suis désolée. »« Ne sois pas stupide Despera. La tempête s’est levée d’un coup. » La tension lisible dans le visage de Rafaël dénotait avec la douceur qu’il employait pour la réchauffer et lui parler. Le feu qui crépitait dans l’âtre de leur chambre était si intense qu’il avait l’impression que le cuir de sa peau était en train de rôtir. Celle de Despera elle, restait obstinément froide.
« Non je suis désolée de ne pas avoir pu te faire d’enfants. » Le regard de l’homme se vrilla d’une lueur douloureuse, comme à chaque fois que sa compagne s’admonestait de leur malheur conjugal. Ils avaient connus de nombreuses fausses couches et un enfant mort en bas âge mais Rafaël s’était toujours sentit comblé à ses côtés et il savait qu’il disait la vérité quand il répondait que ça n’avait pas d’importance. Ca n’en avait pas tant qu’elle était là. Rien n’avait d’importance, pas même ce qui se passait en dehors de l’île. Le monde extérieur lui était inconnu en dehors des sourires de sa femme et des batailles menées au front. Rafaël voulu protester mais c’était une discussion qu’ils avaient remis à plus tard depuis trop souvent depuis qu’ils savaient. Depuis qu’ils savaient qu’elle se mourrait.
« Je suis allée le dire à ta mer chérie. Je lui ai demandé de veiller sur toi. De t’envoyer par bateau une autre femme. » Elle rit et une quinte de toux la secoua. Elle le taquinait souvent sur les femmes de la capitale qui viendraient toutes s’échouer ici si elles avaient vent de l’existence d’un bel éphèbe blond.
« Mais tu me pardonnes dis ? » Elle le fixa intensément, attendant sa réponse et seul le crépitement du bois dévoré par le feu et sa respiration sifflante venait troubler le calme de la pièce. Rafaël avait travaillé fort à ce que l’auberge résiste aux embruns si bien que chaque fois que la tempête faisait rage, ils avaient le sentiment d’être dans un autre monde.
« Je n’ai rien à pardonner. Je suis heureux Despera. Je l’ai toujours été. »Elle lui offrit un sourire resplendissant. Le dernier.
Ennis- ïle proche de Sarman – fin février 1902
Confessions lancées à la mer, puis plus tard, couchées sur le papier.Un frisson courrait sur la peau du barbare, tandis que l’air marin emplissait ses narines. Malgré la fraîcheur du début d’année, il n’avait pu s’empêcher de plonger ses pieds nus dans l’eau, alors qu’il lavait ses mains de la terre qu’il avait tournée et travaillée pour de nouvelles semences. Le jour déclinait doucement, et bien qu’il soit habitué au spectacle, Rafaël laissa la beauté du paysage le subjuguer et emporter ses pensées. La douleur il la ressentait toujours, comme un aiguillon perfide qui venait lui tarauder les côtes de temps en temps. Mais après cette journée d’un travail solitaire, il sentait son torse se gonfler d’un souffle nouveau. Quelque chose qui allait de pair avec le renouveau de la nature et son réveil après le long hiver. Son regard semblable aux eaux qui lui léchaient les pieds, il se surprit à murmurer ce qui ressemblait à une prière sans en avoir senti les prémices.
« Freyja… » Le nom de la déesse tomba de sa bouche comme une surprise. Lui qui avait l’habitude de prier Odin ou Thor sur les champs de bataille. Dans sa douleur il avait bien dû parjurer la déesse de l’amour mais il connaissait assez ses dieux pour savoir qu’ils pouvaient lire la tristesse d’un cœur et la distinguer d’une réelle rancune. Il se tut néanmoins pendant de longues minutes ensuite, cherchant les mots justes parce qu’il était important que sa prière soit claire, lui qui ne savait pas trop où il devait aller.
« Il m’a fallu du temps pour comprendre le cadeau qu’était Despera, jusque dans sa mort. Et je sais que je chérirais toujours son souvenir… Je n’ai pas été l’homme le plus fervent ces dernières années et toutes ces pertes m’ont rendu aigri et prudent. J’ai parjuré le nom des Dieux quand la douleur était trop forte mais jamais je ne vous ai tourné le dos complétement. J’ai tout fait pour être un homme d’honneur, au cœur des batailles comme ici… Je porte mon nom avec honneur et je n’ai pas peur de voir mon reflet dans le miroir. Mais mon cœur se languit et la solitude commence à peser lourd. Je connais des bras accueillants, mais j’ai la sensation que son âme ne sait pas parler à la mienne. Il n’y a rien d’autre que l’amour d’un corps pour un autre. Si je suis puni… Je ne sais pas quelle faute j’ai commise… Mais j’espère l’avoir expié désormais parce que je ne pourrais pas passer un autre hiver seul ici sans devenir fou. Si ton oreille adorée se penche un instant vers moi… Entend moi et béni moi à nouveau… Un homme n’est pas un homme, s’il n’a pas une famille à honorer… » | ۞ PRÉNOM OU PSEUDO : secret ۞ AGE DU JOUEUR : canonique ۞ COMMENT AVEZ-VOUS TROUVE LE FORUM ? Par hasard au départ ۞ LEGUE DE VOTRE PERSONNAGE EN PV Oui s'il devient important ۞ LES MOTS DE PASSES ONT ETE ENVOYE : Y a des siècles
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